Biodynamie en Inde, interview de Binita Shah

Publié le 15/03/2018

Sur les 600 000 fermes pratiquant l’agriculture bio en Inde, le nombre de fermes pratiquant la biodynamie est estimé à 150 000 sur quelques 100 000 hectares*. Près de 5500 hectares sont certifiés Demeter*, pour les débouchés à l’export.

Afin d’en savoir plus sur cet engouement, nous avons interrogé Binita Shah, fondatrice de l’organisation non gouvernementale SARG (SUPA Agricultural Research Group), centre de recherche et de formation en agriculture biodynamique. SARG est basé à Supi (Uttarakhand), dans le nord de l’Inde, à la frontière du Népal, à 2400 mètres d’altitude.

Binita, pouvez-vous nous en dire plus sur la situation de l’agriculture en Inde ?

« La situation de l’Inde vis-à-vis de l’agriculture est unique dans le monde : sur une population de 1,2 milliard d’habitants, 62% des gens sont dépendants de l’agriculture. Travailler sur une ferme n’est pas un choix, mais le résultat d’un déficit d’emplois dans les secteurs secondaires et tertiaires.
La révolution verte des années 1960, basée sur l’introduction de variétés à hauts rendements, l’utilisation de produits chimiques, l’irrigation et la monoculture a fait plus que doubler la production annuelle indienne de céréales. Mais très peu de gens se sont rendu compte que ces décennies 1960-1990 étaient lentement en train de détruire le système de culture traditionnel, essentiellement basé sur l’agriculture vivrière. Ce nouveau modèle était peut-être adapté pour les grandes fermes dont l’activité est principalement motivée par les résultats économiques. Mais aujourd’hui, dans un système basé sur les prix, l’agriculture sur de petites surfaces est devenue pour les paysans une perte de temps.
Dans certaines régions comme le Vidharba, dans l’état du Maharshtra, de nombreux agriculteurs se trouvent dans des situations dramatiques, et le taux de suicide y est très élevé. L’emprunt qui était l’un des moteurs de l’économie agricole s’est transformé pour beaucoup en étau. Ce modèle agricole n’est définitivement pas durable. »

Comment l’agriculture biodynamique est-elle arrivée en Inde ?

« L’agriculture biodynamique a été introduite en Inde en 1993 par Peter Proctor, un conseiller en biodynamie néo-zélandais, aujourd’hui à la retraite. J’étais à cette époque en recherche de solutions et la biodynamie avait le potentiel d’apporter du changement dans le contexte agricole indien. »

Comment avez-vous démarré le travail avec les agriculteurs ?

« Le compost biodynamique a été le moteur de développement du mouvement biodynamique en Inde. Il y avait beaucoup de gaspillage sur les fermes, notamment au niveau de la fumure animale, qui n’était plus utilisée. Le compost biodynamique est un apport de grande qualité, facile à mettre en œuvre : le paysan peut presque lui-même produire tous les intrants nécessaires sur sa ferme. Nous avons ensuite beaucoup travaillé sur le compost de bouse, une forme de compost biodynamique concentré. Avec l’utilisation des techniques biodynamiques et à la surprise générale, les rendements de blé, sucre de canne, coton, tomates, etc. étaient identiques sinon supérieurs à ceux obtenus avec l’agriculture chimique.
Les calendriers des semis – utilisés en agriculture il y a encore quelques décennies – et la présence de vaches sur la ferme font partie de la culture indienne et ont donc été bien acceptés par les paysans. »

Comment s’est structuré SARG pour accompagner les paysans indiens à plus grande échelle ?

« SARG s’est doté d’une équipe terrain composée de 35 personnes, qui forment les paysans à l’élaboration du compost et des différentes préparations biodynamiques. Devant l’intérêt croissant des paysans indiens pour l’agriculture biodynamique, nous avons anticipé l’intérêt d’autres acteurs. SARG a donc développé de nombreuses collaborations avec universités, organismes de développement et gouvernements (intégration de l’agriculture biodynamique dans les programmes de formation agricole). »

SARG a été créé en 2002, quel bilan tirez-vous aujourd’hui de toutes ces années de travail ?

« SARG a contribué à l’élaboration d’1 million de composts en Inde au cours des 15 dernières années.
L’une des “success story” de l’agriculture biodynamique en Inde a été sa mise en application par les paysans du Vidharba, où de nombreuses familles ont vu, grâce à la biodynamie, une amélioration de leurs conditions. Les coûts de production pour les paysans ont été réduits d’un tiers, sans baisse de rendement. Pour les productions horticoles, le rendement a même augmenté. La qualité de la production est également meilleure (meilleure conservation, etc.). Des grandes fermes produisant sucre de canne, riz, coton et productions horticoles ont adopté les pratiques biodynamiques et obtiennent des résultats positifs. SARG met désormais en avant le système biodynamique comme solution pour répondre au découragement des agriculteurs indiens.” 

*Sources :
Artur Granstedt, Janvier 2018 : http://sbfi.se/public/images/SBRI/150000-Biodynamic-Farmers.pdf
Demeter International : http://www.demeter.net/statistics

Crédit photo : Oleg by Canva


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